Worteks, acteur engagé de la souveraineté numérique
Cet article a été publié dans la version papier du magazine Capital en août 2020.
Avec plus de 150 clients récurrents, entreprises du CAC40 pour un grand nombre, mais également des PME et des structures publiques comme la quasi-totalité des ministères ou des collectivités territoriales, Worteks est une entreprise florissante du secteur des logiciels libres et open source.
Entretien avec Laurent Marie, le fondateur de cette société membre du CNLL (Conseil National du Logiciel Libre), engagée pour la souveraineté numérique européenne.
Comment est né Worteks ?
Worteks est né en 2016 avec l’ambition de combler une lacune sur le marché de l’intégration de solutions open source où peu d’acteurs incluent l’innovation dans leur offre de service. Ainsi, outre des missions classiques de projets d’infrastructure IT – audit, conseil, intégration, formation et support technique… – et de « trouble shooting » – réorganisation d’architectures en situation d’échec et/ou optimisation de l’existant -, Worteks propose également à ses clients des solutions créées et/ou développées en interne.
Qu’est ce qui fait l’originalité de ce positionnement ?*
Ce type de logiciel est généralement le fait de communautés d’utilisateurs et/ou de développeurs indépendants. Chez Worteks, une partie de notre activité est consacrée à la R&D. Grâce à cette activité « créative », nous sommes un contributeur actif autour de plusieurs logiciels libres, comme LemonLDAP::NG, LSC, FusionIAM, OpenLDAP, NextCloud et Kubernetes. Nous apportons ensuite à nos clients notre expertise en les accompagnant sur le développement et l’intégration de ces solutions au sein de leurs systèmes d’information.
Quels sont les atouts de ce type de logiciel ?
Ils permettent d’avoir beaucoup plus de participants et de réactivité que les logiciels propriétaires encadrés par une entreprise unique. Comme leurs codes sont accessibles, ils interdisent tout passage dérobé et garantissent ainsi à leurs utilisateurs un niveau de sécurité maximal.
Parmi les solutions que vous proposez, laquelle est la plus complète ?
Notre positionnement d’éditeur est pour l’instant essentiellement axé autour de la solution W’Sweet, un portail SSO applicatif et collaboratif qui propose messagerie, agenda, partage de fichiers, visio, messagerie instantanée (tchat) ainsi que partage de fichiers. Nous le proposons à nos clients sous différentes formes d’intégration avec un support technique réactif, capable d’intervenir à distance, dans un délai de 4 heures. Nous avons par exemple fourni la ville de Marseille oul’Institut Pasteur de Lille. C’est la preuve qu’il existe des alternatives franco-européennes performantes aux solutions anglo-saxonnes.
Vous voulez concurrencer les géants du secteur ?
Il nous semble surtout important de revenir aux ambitions des fondateurs d’internet qui concevaient la toile comme un espace interconnecté, ouvert à tous. Or, depuis les années 2000, on observe une extrême centralisation des services par quelques géants du secteur, généralement américains. A tel point que la plupart des entreprises et des institutions publiques européennes sont aujourd’hui totalement dépendantes des GAFAM, une situation qui soulève de nombreuses questions sur leur autonomie et pourrait avoir des répercussions dramatiques sur notre économie. On parle de plus en plus de guerre commerciale. Imaginez s’ils décidaient de couper l’accès à leurs logiciels… Par ailleurs, peu de gens connaissent le Cloud Act, cette loi promulguée par les États-Unis en 2018 qui autorise les autorités fédérales à obtenir des opérateurs télécoms et des fournisseurs de services de Cloud computing américains des informations stockées sur leurs serveurs, et ce, où qu’ils soient situés. C’est une épée de Damoclès qui pèse sur des pans entiers de nos secteurs stratégiques. Notre objectif est donc de concurrencer les solutions venant d’outre-Atlantique en proposant une opportunité souveraine aux structures publiques et privées soucieuses de la localisation et de la confidentialité de leurs données. En créant son propre cloud chez OVH, un hébergeur européen de renommée mondiale, et en proposant des logiciels ouverts, Worteks offre à ses clients indépendance et sécurité.
Vous prônez la souveraineté numérique ?
Tout le monde a fait le constat des conséquences désastreuses de notre perte de souveraineté en matière sanitaire lors de la crise du Covid-19. Il en va de même concernant le numérique. Le Cloud Act et la centralisation des services sont des menaces permanentes qui pèsent sur notre économie et sur la confidentialité de nos données. Depuis la crise sanitaire, notre discours rencontre un écho plus positif mais il est encore trop tôt pour que cela se traduise en acte. La notion de souveraineté est dans l’air du temps. Pour autant, le chemin est encore long. Il y a peu, le gouvernement a fait le choix de stocker les données de santé des Français sur le cloud de Microsoft. Nous constatons ainsi encore trop souvent un déni sur ces questionspourtant essentielles à notre avenir.